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Quel impact environnemental pour son argent ?

Introduction

L’argent est omniprésent dans notre société.

En conséquence, si l’on souhaite se diriger vers un monde durable, il faut bien l’intégrer dans l’équation à un moment ou à un autre – même si l’on envisage de multiplier par la suite les modèles basés sur l’économie du don ou du prêt.

Pour autant, si l’impact social et environnemental de nos dépenses d’argent est (relativement) facile à évaluer, du fait d’une information de plus en plus importante sur l’origine et les modes de production des objets du quotidien ou de la nourriture, qu’en est-il de celui de l’argent qui dort sur un compte courant ? un livret d’épargne ? qui est placé sur une assurance-vie ?

On pourrait bien sûr s’imaginer que cet argent se résume à une ligne virtuelle sur un écran d’ordinateur, et n’a, de fait, pas beaucoup d’impact.

En réalité, toutes les solutions bancaires, d’épargne et/ou d’investissement ont un impact plus ou moins important d’un point de vue social autant qu’environnemental. Le choix des supports de placement pourrait donc avoir un rôle important dans les années à venir.

Le système bancaire et l'épargne

L'empreinte carbone des banques

Les auteures du livre Donnez du sens à votre argent mentionnent un rapport publié par l’association Oxfam, en octobre 2020, et intitulé « Banques : des engagements climat à prendre au 4e degré« .

La lecture de ce rapport est édifiante, et les chiffres avancés colossaux : les six premières banques françaises ont une empreinte carbone qui représente près de 8 fois les émissions de gaz à effet de serre du territoire français, avec 3,3 milliards de tonnes éq. CO2.

Chacune des deux premières banques françaises a une empreinte carbone qui représente 2 fois les émissions de gaz à effet de serre du territoire français.

Photo by micheile dot com on Unsplash

Ce chiffre est juste énorme ! Les banques françaises, selon ce rapport, soutiennent une économie carbonée qui nous conduirait à une augmentation des températures moyennes de + 4 °C en 2100 (d’où le titre du rapport), bien au-delà de l’objectif de + 1,5 °C fixé par l’Accord de Paris en 2015.

Cette empreinte carbone est due aux prêts ou investissements des banques dans les entreprises, de manière directe, ou via les marchés financiers par l’actions de titres comme les actions ou les obligations.

En d’autres termes, l’impact carbone des banques est essentiellement indirect, un prêt ou un investissement n’émettant pas en soi de gaz à effet de serre. Ce sont les projets mis en œuvre avec l’appui des banques qui ont un impact carbone, lequel est imputé en partie aux banques du fait de leur implication via le financement.

Ainsi, selon le rapport, pour les quatre plus grandes banques françaises, « les crédits aux entreprises actives dans le secteur du pétrole et du gaz uniquement représentent plus de 40 % des émissions de leur portefeuille de crédits aux entreprises.« 

L'argent qui dort sur un compte bancaire a aussi un impact

Mais alors, quid de l’impact carbone de notre argent en banque ?

Car si la banque a une empreinte carbone indirecte du fait de ses prêts et investissements, nous avons aussi, en tant que client, une empreinte indirecte.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que l’argent déposé en banque sert de base aux activités de crédits et d’investissements menées par les banques.

Lorsque l’on dépose 100 euros en banque, on réalise en réalité un prêt à la banque, qui note qu’elle nous doit 100 euros. Pendant ce temps, elle peut réaliser des prêts sur la base de ces 100 euros – voir pour plus de détails le livre de Gilles Mitteau, alias Heur?reka, Tout sur l’économie (ou presque).

En déposant de l’argent en banque, on finance donc des projets indirectement, sur lesquels on ne sait rien. Ce qui est gênant quand on cherche une manière responsable de gérer son argent.

D’après le rapport Oxfam, il faut ainsi compter environ de 0,3 à 0,6 tonnes éq. CO2 par an, pour un total de 1 000 euros en banque détenus sur compte courant et compte épargne.

Le rapport considère 25 000 euros en moyenne détenus par les Français, ce qui place l’impact de l’argent détenu en banque entre 8,8 et 16,3 tonnes éq. CO2 par an et par personne.

Comparées aux 11,2 tonnes éq. CO2 émis en moyenne par un individu pour sa consommation annuelle, on est entre 78 % et 145 % de cet impact carbone lié à la consommation, uniquement du fait de notre argent en banque !

"Notre argent représente donc notre premier poste d'émissions de CO2"
Extrait du rapport Oxfam "Banques : des engagements climat à prendre au 4e degré"
Octobre 2020

Les banques éthiques

Les banques éthiques sont nées d’une volonté de rupture avec le système bancaire traditionnel. Leur volonté est d’apporter un impact positif avec l’argent qu’elles collectent, notamment en proposant des solutions de financement aux acteurs exclus du système traditionnel.

Elles prônent une transparence sur l’utilisation des fonds déposés par les épargnants. Les produits financiers créés à partir de ces fonds sont solidaires et éthiques (prêts aux associations et aux entreprises, microcrédits, etc.).

Le salaire des dirigeants est également plafonné.

Les banques éthiques possèdent cependant les inconvénients de leurs avantages : dans la mesure où elles s’intéressent en premier lieu au projet, plutôt qu’à sa rentabilité, les dépôts des épargnants sont peu ou pas rémunérés.

Par ailleurs, selon les auteures du livre Donnez du sens à votre argent !, les banques éthiques n’offrent pas le même niveau de service que les banques traditionnelles.

L'impact des produits d'épargne

Livret A, LDDS et LEP

Rentrons un peu dans le détail des produits d’épargne.

En première ligne, les livrets réglementés, dont font partie le célèbre livret A, le livret de Développement Durable et Solidaire (ou LDDS), et le livret d’Épargne Populaire (ou LEP).

Ces livrets sont des comptes d’épargne rémunérés réglementés, défiscalisés et non bloqués, dont on peut retirer les fonds à tout moment.

Le LDDS est similaire au livret A, mais il présente la particularité de permettre aux épargnants de faire un don à des entreprises de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS).

Pour le livret A comme pour le LDDS, une partie des fonds collectés par les banques sur ces livrets doit servir au financement de l’ESS.

Le livret d’Épargne Populaire est un livret destiné aux personnes aux revenus modestes. Sa rémunération est plus importante que celle du livret A ou du LDDS, afin de limiter l’impact de l’inflation sur leur épargne.

L’argent placé sur ces trois livrets est traité de la même manière :

60 % des fonds sont transférés à la Caisse des Dépôts et Consignation (ou CDC par la suite – une institution financière publique) et sont répartis de la manière suivante : 40 % sont utilisés pour financer les collectivités locales, les organismes de logement social et les entreprises publiques locales sous forme de prêts et 20 % sont utilisés sur les marchés financiers ;

– les 40 % restants sont conservés par les banques pour financer des PME et des projets contribuant à la transition énergétique ou à la réduction de l’empreinte climatique.

Ainsi, tous les livrets réglementés contribuent pour une certaine part à financer des collectivités locales, des logements sociaux, des PME et des projets visant à limiter le réchauffement climatique.

En revanche, le LDDS ne participe pas exclusivement au développement durable et ne semble pas se différencier de manière significative du livret A pour justifier d’un impact positif particulier en faveur du développement durable.

Ces livrets semblent donc jouer un rôle non négligeable en faveur du développement durable, mais ils ne sont, comme la plupart des produits financiers, pas parfaits.

En particulier, il semble que les investissements de la CDC soient au moins partiellement carbonés, et il y a donc encore des progrès à faire de ce côté-là.

Livrets d'épargne logement

Concernant les livrets d’épargne logement (CEL ou PEL), l’argent est intégralement conservé par les banques et sert à alimenter leurs offres de crédits, elle n’apporte donc pas grand-chose d’un point de vue développement durable.

Les produits d'investissement

Au-delà des livrets d’épargne réglementés et rémunérés, qui vont surtout assurer une liquidité des fonds (sauf pour le PEL), mais à un faible taux de rémunération, il y a les produits d’investissement.

Censés être plus rémunérateurs, ils présentent en contrepartie une part de risque plus importante. Il peut ainsi y avoir un risque de perte en capital (perte de tout ou partie de l’argent investi), ou un risque d’illiquidité (impossibilité de retirer les fonds de l’investissement – problématique en cas de coup dur).

Parmi les produits d’investissement célèbres, citons par exemple les actions (part du capital d’une entreprise), les obligations (titres de créance émis par les entreprises ou les états), l’or ou encore l’immobilier. Parmi ces solutions, identifier les produits responsables peut être compliqué, surtout à l’échelle d’un particulier.

Critères ESG et label ISR

Pour déterminer le caractère « responsable » d’un produit, le monde de l’investissement s’accorde globalement sur la considération des critères ESG, qui sont des critères extra-financiers permettant d’évaluer la direction prise par les entreprises sur des aspects :

  • Environnementaux (empreinte carbone, consommation énergétique,…),
  • Sociaux (égalité hommes-femmes, emploi de personnes handicapées, formation des salariés…),
  •  et de Gouvernance (lutte contre la corruption, transparence sur la rémunération des dirigeants…).

Ces critères sont notamment mis en avant par le label ISR (Investissement Socialement Responsable), créé en 2015 par le ministère des finances, visant à identifier des fonds responsables et qui se veut une application au domaine financier de la notion de développement durable.

Le label ISR ajoute la notion d’engagement actionnarial, c’est-à-dire que les fonds labellisés doivent s’engager dans la stratégie des entreprises en participant aux assemblées générales.

Un bémol, toutefois : les fonds labellisés ne sont pas tenus de s’intéresser à l’ensemble des trois critères ESG. En conséquence, la présence de certaines entreprises dans un fonds ISR peut surprendre. Une entreprise polluante pourra y avoir sa place si elle a de bonnes notes sur les critères « Sociaux » et de « Gouvernance ».

Le label ISR n’est pas le seul label ayant pour objectif d’identifier des produits responsables. On trouve aussi notamment le label Greenfin, dont le but est de guider l’investisseur vers des produits finançant la transition énergétique.

Stratégies d'investissement responsable

Il existe d’autres stratégies d’investissement responsable applicables par les fonds :

  • l’investissement d’impact cherche à avoir, comme son nom l’indique, un impact direct, intentionnel et mesurable sur des aspects environnementaux et sociaux ;
  • l’investissement thématique permet d’orienter son épargne vers un domaine particulier (par exemple le secteur de l’énergie, ou de l’eau) ;
  • l’exclusion vise à exclure les entreprises ayant des activités controversées, comme l’armement ou le nucléaire.

Bref, tu l’auras sans doute compris, pas facile de s’y retrouver dans la jungle de l’investissement durable !

Compliqué pour l’épargnant souhaitant gérer lui-même son épargne de se passer d’un minimum de recherche pour analyser les produits dans lesquels il envisage d’investir afin de savoir si cela est en accord avec ses convictions.

Ceci étant dit, les choses changent, et les demandes des investisseurs, institutionnels notamment, poussent de plus en plus les structures d’investissement à mesurer leur impact.

Voici un exemple concret : depuis janvier 2020, les assureurs sont tenus d’ajouter au moins un fonds labellisé à chacun de leur contrat d’assurance-vie. Depuis janvier 2022, ils doivent également intégrer au moins un fonds labellisé Greenfin, qui favorise la transition énergétique, et un fonds labellisé Finansol, visant à guider l’épargnant vers des produits solidaires.

Le cas de l'assurance-vie

Puisqu’on aborde le sujet, quelques mots sur l’assurance-vie.

Elle se divise en un fond euros et des supports en unités de compte.

L’impact du fonds en euros est lié à celui des marchés financiers, par exemple par le biais d’obligations d’états (achat de dettes d’états).

Les unités de compte peuvent être des actions, des obligations, de l’immobilier… Chaque unité de compte a donc un impact qui dépend de son type.

En guise de conclusion

On a fait un petit tour d’horizon des produits d’épargne, d’investissement, et de leurs impacts.

Cet article ne prétend pas faire une liste exhaustive de toutes les solutions existantes. Il en existe d’autres, telles que les SCPI (qui peuvent également disposer du label ISR), le crowdfunding ou les forêts, mais chacune de ces solutions demanderait à elle seule un ou plusieurs articles !

Le monde de l’épargne et de l’investissement peut être complexe quand on le découvre. Au-delà du fonctionnement d’un produit donné, il n’est pas toujours évident de connaître son impact social et environnemental.

On touche d’ailleurs là à l’une des principales limites de la finance dite « durable ». Il y a encore un manque de transparence et une trop grande hétérogénéité dans les analyses extra-financières visant à déterminer le caractère durable d’un produit d’investissement.

Si tu veux plus d’informations sur le sujet, tu peux te tourner vers des ouvrages traitant du sujet. Je t’invite à consulter les idées de lecture de la Terre dans les épinards pour découvrir des livres abordant la question de l’argent et de son impact.